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Nous baptisés, désireux de célébrer notre foi et conscients de l’extrême richesse de notre liturgie, nous ne pouvons que constater l’usure de sa mise en actes. Nous ne pouvons plus nous satisfaire des liturgies actuelles. La plupart d’entre elles sont gangrénées par le souci de la forme et ne parviennent plus à traduire, ni ce que nous vivons, ni ce à quoi le mystère pascal nous invite.

Aussi, nous avons décidé, depuis 2016, de célébrer, avec qui veut nous rejoindre. Mais nous ne voulons pas célébrer dans la transgression. Nous ne célèbrerons pas d’eucharistie. Ce sacrement est aujourd’hui réservé aux prêtres. Dont acte. Pourtant, aux premiers siècles, le « repas du Seigneur » était une pratique domestique et « laïque », puisque tout était laïc. Oui, avoir mis la main sur l’eucharistie sans permettre qu’elle soit aussi célébrée par des laïcs est une confiscation, car ce bien appartient à tout le peuple de Dieu.

Mais nous célèbrerons la parole de Dieu. Nous faisons le pari que cette parole est une nourriture solide, qui tient bien au corps et à l’esprit.

Une autre raison nous pousse à faire un pas de côté par rapport aux eucharisties qui nous sont proposées. L’eucharistie, cette « action de grâce », ce « merci », en célébrant le don de sa vie par Jésus, célèbre sa victoire sur la mort : car donner est le secret de la vie qui n’a pas de fin. Malheureusement, les clercs ont fait de l’eucharistie un acte sacrificiel. Ce sacrifice de Jésus, cet « unique sacrifice », est accompli depuis longtemps ! Il n’y a pas à y revenir. Ce qui compte, c’est ce pour quoi le sacrifice a eu lieu : pour la vie sans déclin du Ressuscité. Nos messes devraient célébrer un acte de libération, cette résurrection qui nous mène de la mort à la vie. Et elles le font bien trop peu. Au point qu’il faut prêter l’oreille pour entendre le mot de résurrection pendant la messe.

Dans cette insistance sur le sacrifice, il y a, certes, une tradition occidentale, assez éloignée de celle de l’orthodoxie. L’Occident insiste bien plus sur la mort que sur la résurrection. Mais il y a aussi une grande fourberie. En effet, honorer la résurrection, donc la présence du Christ, n’apporte aucun bénéfice secondaire au corps des prêtres. La présence est donnée à tous. Le sacrifice, au contraire, contribue à des stratégies de pouvoir. Il distille le poison de la culpabilité dans le cœur des fidèles, donc de leur nécessaire repentance, donc installe l’arme du pardon entre les mains des prêtres. Insister sur le sacrifice leur garantit de prolonger ce que Jean Delumeau appelait la pastorale de la peur.

Notre « non » à une eucharistie sacrificielle et élitiste (car émaillée de chicanes…de langue, de rites, d’exclusions) est donc très ferme : nous ne célébrerons pas ce que nous récusons. Faire comme les clercs, devenir calife à la place du calife n’est pas notre ambition, même si nous n’ignorons pas que le cléricalisme est une maladie contagieuse.

Pourtant, nous disons aussi « oui ». Oui à l’acte de célébrer ce mystère qui nous fait vivre. Que célèbrerons-nous ? Les deux piliers essentiels de notre foi : oui, le Christ nous appelle à la liberté des enfants de Dieu ; oui, il est vivant au milieu de nous. Nous tenterons de le dire en écoutant la Parole de Dieu et en la mangeant. Elle sera notre nourriture.

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