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Quarante-deux ans au barreau de Paris et dans diverses associations pour la défense des droits humains

La conférence donnée le 9 mars par Danièle Mérian sur le thème "ESPERER C’EST AGIR" sera très prochainement disponible en vidéo sur notre site.

En attendant, nous vous partageons ci-dessous le contenu de cette conférence qui a été publié dans la Lettre d'info de Saint-Merry Hors les Murs.

 

Danielle Mérian, fidèle de Saint-Merry Hors-les-Murs, a donné récemment une conférence sur son parcours et ses engagements dans un grand nombre d’associations qu’elle a souvent créées. Toujours guidée par sa volonté de rendre le monde un peu moins injuste et au nom de Jésus-Christ, de cette parole qu’elle considère comme révolutionnaire : « Aimez-vous les uns les autres ».

 

Les prémices

Depuis ma plus tendre enfance j’espère voir un monde meilleur, voir un monde moins injuste. Je le dois à mes parents : je suis née en 1938, époque où l’on préférait les garçons aux filles. Mon frère avait tous les privilèges, moi je n’existais pas. J’étais furieuse. Je me disais je vis dans un monde de fous, il faudra changer tout ça. Les parents sont nuls comme éducateurs, il faudrait créer une École des Parents, ce qui s’est fait depuis. En me discriminant mes parents m’ont rendu un immense service : cette injustice a provoqué chez moi une passion pour la justice. Ils ont fait de moi une rebelle à l’esprit critique acéré, et depuis que je suis haute comme trois pommes j’ai appris à ne penser que par moi-même.

Mon appétit pour la justice s’est développé en 1945 quand j’ai découvert les photos des camps de concentration. Mon père, journaliste, a terminé la guerre comme correspondant de guerre dans l’armée américaine, il a ouvert des camps de concentration et d’extermination et il a rapporté les photos qui ont fait le tour du monde. Un jour il est rentré à la maison avec une grosse enveloppe, et il a dit à ma mère devant nous : il ne faut pas que les enfants voient ça. Dès qu’il a été parti j’ai fouillé son bureau car je ne supporte pas la censure et je suis curieuse. J’ai trouvé l’enveloppe et j’ai été anéantie. Découvrir à 7 ans ce que l’homme peut faire à l’homme. C’est effroyable. Je ne m’en remettrai jamais. J’ai tout de suite pensé : quand je serai grande je ferai le contraire, j’aiderai comme je pourrai ceux qui en auront besoin. Quand j’ai été grande j’ai fait Droit et je me suis inscrite au barreau de Paris.

Après les traumatismes de la guerre de 40 j’ai connu les traumatismes de la guerre d’Algérie. La guerre d’Algérie a commencé pour moi lorsque j’étais adolescente au Collège Sévigné : j’avais pour condisciple Marie-Hélène Lacheroy, la fille du colonel Lacheroy, un officier félon en fuite en Espagne. Comme la police ne pouvait l’arrêter elle venait arrêter son fils, mineur, innocent, de 16 ans, qui a subi plusieurs internements administratifs de six mois. L’internement administratif est la méthode dont usent les tyrans contre les opposants, qui se voient arrêtés sans cause, un temps indéterminé, sans voir ni avocat ni juge. J’ai appris alors que lorsque la France fait la guerre elle cesse d’être une démocratie.

Après j’ai subi trois ans de fiançailles à cause de la guerre à 2 000 kilomètres l’un de l’autre. Je me suis fiancée à 20 ans à un étudiant en droit qui en avait 25 et étant au bout du bout de son sursis a été appelé à faire la guerre. Il était antimilitariste, et l’armée ne lui a pas fait de cadeau. Il a passé en tôle les deux 2 mois de classes pour avoir demandé le premier jour à l’adjudant d’être poli avec la troupe, puis il a été envoyé immédiatement en Algérie dans le sud Oranais et pas n’importe où, au 2e Bureau, i.e. aux Renseignements. À son colonel il a tout de suite dit qu’en aucun cas il ne donnerait une gifle à qui que ce soit, et qu’il vaudrait mieux l’envoyer au village apprendre à lire aux enfants. Il a été prié de se taire et d’obéir. De fin 1958 à début 1961 il a passé ses nuits à aller arrêter la population masculine dans les mechtas. Il interrogeait normalement ces pauvres paysans et n’en tirait aucun renseignement. Au petit matin il avait l’obligation de les entasser dans un camion, direction le prochain Dispositif Opérationnel de Protection (DOP), en français centre de torture. Il n’est pas devenu fou car c’était une âme forte. Je lui ai écrit tous les jours, tous les jours il y a un autre monde, un jour nous serons heureux.

 

L’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture (ACAT)

Si je vous dis tout ça, c’est pour vous faire comprendre quelle a été notre joie lorsqu’en 1975 nous avons été démarchés par la grand-mère protestante qui a fondé l’ACAT, l’Action des Chrétiens pour l’Abolition de la Torture. Hélène Engel est allée à une conférence du pasteur italien Tullio Vinay qui faisait une tournée en Europe pour dénoncer les tortures à Poulo-Condor, prison construite par les français à Saïgon, où tous les régimes ont torturé, en 1974 c’étaient les Américains. Elle rentre chez elle bouleversée, pensant nous sommes chrétiens, nous ne pouvons pas nous taire. Elle téléphone à son amie Édith du Tertre, veuve et grand-mère comme elle, qui ne lui dit pas ça nous dépasse mais tu as raison, nous allons téléphoner au pasteur Appia, qui ne leur dit pas ça vous dépasse mais vous avez raison et nous n’allons pas faire une boutique protestante, je téléphone au Père Pierre Toulat. Ainsi est née une action œcuménique, rassemblant catholiques, protestants, orthodoxes, quakers, mettant de côté leurs querelles théologiques, unis dans un seul but combattre la torture.

Quelle n’a pas été l’audace d’Hélène Engel et Édith du Tertre, ces deux femmes qui n’étaient rien sur le plan social ayant subi l’incapacité juridique de la femme mariée et ses suites, n’ayant donc pas fait de carrière, qui ont pris leur bâton de pèlerin et ont été sonné chez tous les curés, tous les pasteurs, tous les popes : la torture existe, il faut agir. Quand Hélène s’est présentée à notre curé à Boulogne-Billancourt, il lui a répondu c’est de la politique, voyez les Mérian. Nous avions l’année précédente pour répondre à l’appel des évêques créé un groupe de réflexion foi et politique. Entre Hélène et nous ce fut le coup de foudre. Nous sommes devenus tout de suite amis intimes. Hélène est morte trop tôt d’une crise cardiaque, l’ACAT comptait 16 000 membres. Je lui dois beaucoup : elle m’a appris le culot pour les autres. Sa philosophie était simple : c’est impossible, alors on va le faire.

À l’ACAT nous avons beaucoup œuvré mon mari et moi. Adrien a travaillé avec le banquier suisse Jean-Jacques Gautier à la convention instituant les visites inopinées des prisons. Moi je me suis attelée à faire voter l’extension de l’objet de l’ACAT à l’abolition des exécutions capitales. Ça nous a pris trois ans de débats démocratiques. La peine de mort était une notion abstraite dans la tête de nos membres. Pierre Toulat a eu la bonne idée de faire venir son frère Jean Toulat à nos réunions avec des dossiers de condamnés à mort, graciés, exécutant des peines de perpétuité. Là l’intéressé avait un nom, un âge, une famille, avait eu un métier. Ça changeait le regard. Je n’oublierai jamais une petite religieuse âgée qui venait de Reims : un jour qu’il a été question d’un jeune-homme de 17 ans qui avait tué une vieille dame pour lui voler 50 francs, elle a décidé d’entamer une correspondance avec lui. Le matin de ce jour elle n’avait sûrement pas pensé qu’elle allait devenir l’amie d’un jeune assassin. C’est l’appel de l’Esprit. C’est ça la foi, l’espérance et la charité.

Nous avons donc étendu notre objet à l’abolition des exécutions capitales en 1982. Depuis beaucoup de membres entretiennent des correspondances avec les condamnés dans les couloirs de la mort aux États-Unis. Vient de sortir une énorme BD de 600 pages, Perpendiculaire au soleil, faite par une étudiante aux Beaux-Arts qui dit ne pas avoir la foi mais avoir été intéressée par notre proposition. Le livre est gros parce qu’il contient aussi les dessins que faisait le jeune homme qu’elle a assisté jusqu’à son exécution. Beaucoup de groupes écrivent à des prisonniers. Par exemple mon groupe ACAT du XIe arrondissement où j’habite écrit chaque mois à un prisonnier sahraoui condamné à perpétuité par le Maroc pour avoir exercé la liberté d’expression.

 

Le Centre d’Information Féminin et Familial (CIFF)

En 1964 quand je me suis inscrite au barreau j’ai été sollicitée par mes amis de la municipalité de Boulogne-Billancourt où j’habitais alors pour donner au CIFF, le Centre d’Information Féminin et Familial, une consultation gratuite chaque semaine. Je l’ai fait pendant trente ans. J’ai conseillé toute la misère du monde, les licenciements, les expulsions, les dossiers de surendettement, les épouses d’alcooliques qui prennent les coups quand il est saoul, lequel jure qu’il ne recommencera pas quand il est dessoûlé, et qui recommence, recommence. Je consultais le mardi de 9 h à midi. J’étais vidée en sortant. L’après-midi j’étais incapable de traiter un dossier difficile.

Puis je me suis intéressée à la honte de la République, comme avaient dit les parlementaires quand ils ont visité les prisons après le brûlot du Docteur Véronique Vasseur « Médecin-Chef à la prison de la Santé » sorti en janvier 2000. Un collectif, dont j’ai fait partie, a réclamé une loi où dans une seule place on ne mettrait qu’un seul homme. Nous l’avons obtenu : le Numerus Clausus. On ne pouvait pas nous le refuser. Mais rien n’a changé car tous les gouvernements successifs ont pris des moratoires, et on continue en 2023 dans les Maisons d’Arrêt d’entasser à 4 dans 9 m2 des présumés innocents, le quatrième couchant sur un matelas par terre au plus près des rats et des cafards.

Avec Bernard Bolze, infatigable indigné, nous avions monté sur la place de l’Hôtel de Ville à Paris pendant un mois une cellule de 9 m2 pour faire savoir à la population comment on ose incarcérer.
À l’époque la Pénitentiaire avait ses locaux rue Beaubourg et les employés nous apportaient des croissants. Nous avons eu des remarques variées : des étudiants nous disaient je ne me supporte pas dans ma chambre de bonne mais si je devais y vivre à 4 ! Et des touristes nous demandaient si cette construction était une sculpture moderne…

 

Prisonniers Sans Frontières

Après je me suis intéressée aux prisons en Afrique de l’Ouest. Un jour à la bibliothèque des avocats mon confrère Loup Monnot des Angles a montré le premier film réalisé dans les prisons d’Afrique. Pendant que je le voyais, des cellules bondées, des cours bondées, des hommes squelettiques, je me suis dit : ma fille t’es foutue, il va falloir s’engager. C’est ce que j’ai fait à la fin du film. Et quelques années plus tard à la demande de mon confrère, j’ai démissionné, après 42 ans de barreau, pour devenir Vice-présidente de Prisonniers Sans Frontières

Notre petite association a beaucoup réalisé. En France on montait des équipes-soutien, en Afrique des équipes-terrain, 2 responsables-pays allaient deux fois par an visiter toutes les équipes terrain, toutes les prisons, le Garde des Sceaux et les ambassades. J’ai monté une première équipe-soutien en sollicitant des amis qui connaissaient l’Afrique (un géographe spécialiste de l’Éthiopie, une directrice de recherche à l’INSERM travaillant sur la santé des femmes en Afrique, la veuve d’un diplomate souvent nommé en Afrique) ou qui connaissait la prison (une voisine psychiatre experte auprès des cours d’Assises, mon fils travaillant à la Cour Nationale du Droit d’Asile). La première fois tous disaient au début de la réunion en se présentant : je suis ici pour observation, mais à la fin de la réunion tous ont signé leur adhésion et ont accepté de faire prélever un don mensuel pour les équipes-terrains, qui visitent les prisonniers, leur apportent du réconfort, des repas améliorés, parfois des médicaments quand l’État est par trop défaillant.

Avec le haut magistrat Jean-Pierre Dinthillac qui a terminé sa carrière comme Président de la 2e chambre civile de la Cour de cassation, nous avons fait au Palais de Justice une soirée invitant magistrats et avocats, et à la fin de la soirée j’avais fait une deuxième équipe-soutien, une équipe d’avocats.

Grâce à une subvention européenne nous avons monté un programme dit P3/7 car portant sur trois ans dans sept pays où nous avons créé des Jardins Maraîchers. Les prisonniers nous demandaient « la sauce » i.e. le bouillon de légumes car l’administration ne leur servait 365 jours par an chaque jour qu’une boule de manioc. Ils ont mieux mangé et ceux qui travaillaient au jardin ont appris un métier, utile à la sortie de prison. Nous avons obtenu l’autorisation d’agrandir les prisons avec le jardin car en Afrique les prisons surpeuplées sont construites sur des terrains militaires immenses et vides.

Avec des subventions sollicitées auprès de diverses ambassades nous avons aussi doté beaucoup de prisons d’ « apatams ». C’est une tente au-dessus de la grande cour, où les prisonniers sont parqués dans la journée, qui les protège du soleil et de la pluie. Malheureusement notre association aujourd’hui périclite car en raison des évènements le Ministère des Affaires Étrangères nous interdit de voyager en dehors des capitales, et encore nous n’allons plus ni à Niamey, ni à Bamako. Nous avons réuni en octobre 2022 tous les responsables locaux au Togo pour les inviter à créer une association dans chaque pays, qui prendra le relais car nous ne pouvons plus transmettre beaucoup de fonds. Nous ne pouvons plus en France solliciter de nouveaux donateurs et les plus anciens décèdent. Ainsi va mourir une association qui a fait énormément de bien.

 

SoS Africaines en danger

En 2013 je suis tombée dans l’excision. À 75 ans je n’étais pas fière d’avoir ignoré cette torture qui frappe à vie plus de 200 millions de femmes dans le monde, alors que j’ai combattu la torture institutionnelle toute ma vie. L’excision a été inventée par les pharaons il y a au moins 6 000 ans car nous avons une momie excisée datée de 6 000 ans. L’objet politique de l’excision est par l’ablation du gland du clitoris de rendre les rapports sexuels très douloureux pour la femme afin que Madame ne trompe pas Monsieur, qui lui, est polygame. Cherchez l’erreur ! Les effets néfastes de l’excision, outre l’interdiction à vie du plaisir sexuel pour les femmes, ce qui en fait un crime en droit pénal français outre la mutilation, sont nombreux : c’est la peine de mort au seul usage des femmes, elles meurent par milliers le jour de l’excision d’hémorragie dans la brousse, et les survivantes meurent encore par milliers lors des accouchements. L’urologue français qui a mis au point la réparation du clitoris, le docteur Foldès, m’a expliqué que lorsqu’on coupe le gland du clitoris, le membre féminin qui est aussi long que le membre masculin se colle sur l’os du pubis, et quand la tête de l’enfant se présente la vulve ne bouge pas. Les accouchements durent des heures et des heures et son absolument atroces. Sont également atroces les règles, à ne pas mettre un pied par terre, huit jours par mois, ce qui dans une société africaine où ce sont surtout les femmes qui travaillent constitue un vrai problème de santé publique. Quand l’une de nos membres annule le rendez-vous qu’elle a avec moi, je n’ai pas besoin de lui demander pourquoi, je sais qu’elle a ses règles.

Je suis devenue présidente de SoS Africaines en danger ! parce que j’étais en 2013 vice-présidente d’un centre de soins aux torturés Parcours d’Exil. Cette année-là se sont présentées pour soins de nombreuses guinéennes, excisées, mariées de force enfants à de vieux polygames, et l’âme du Centre, le docteur Pierre Dutertre devant leur nombre leur a proposé de constituer un groupe de parole. Elles ont été ravies de se rencontrer. Ces victimes sont aussi des battantes puisqu’elles ont osé dire non aux traditions ancestrales et fuir. Elles ont constitué très vite les statuts de SoS Africaines en danger !, les Africaines en danger étant leurs fillettes laissées au village. Vous devinez leurs cauchemars. Comme elles ont fait très vite, aucune n’ayant encore été convoquée à l’OFPRA, l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides, elles étaient sans papiers, ne pouvaient déposer leurs statuts à la préfecture, et demandaient au docteur Duterte d’être leur premier président. Ce que nous dit Pierre Duterte à l’AG de Parcours d’Exil en juin 2013 : « Il est piquant que moi un homme je devienne le président de cette association de jeunes femmes ». Avec mon tempérament de bélier je lui dis : « Oui, Pierre c’est absurde. Je prends votre place, vous allez me présenter à ces femmes ».

Entre ces jeunes musulmanes et moi ce fut le coup de foudre. Je leur ai dit je vais vous expliquer pourquoi je suis solidaire de votre combat : je suis née moi aussi dans un système d’esclavage. Elles me regardaient avec de grands yeux pensant que je me moquais d’elles. Comme elles avaient trouvé la liberté en France elles pensaient que tout était rose pour nous les femmes. Je leur ai fait un petit cours de droit sur l’incapacité juridique de la femme mariée et ses suites. Je leur ai appris que mariée en 1961 je devais obéissance à mon mari, que mère en 1962 et 1964 il était le seul à avoir l’autorité parentale, et tous les combats qu’il a fallu mener pour atteindre la fin définitive des discriminations avec le mariage pour tous à la fin du siècle. Ces femmes sont toujours positives : elles m’ont dit « si vous les femmes en France vous avez gagné tous ces combats, nous on gagnera le nôtre ! »

L’objet qu’elles ont donné à leur association c’est de voir abandonner universellement l’excision et le mariage forcé, dans un premier temps en Afrique de l’Ouest. Car les premières ont été rejointes par des maliennes, des sénégalaises, des burkinabées, des ivoiriennes, des togolaises, des béninoises, des mauritaniennes, etc. À leur demande nous avons bâti un programme social : faire circuler en Afrique de l’Ouest dix school-bus américains qui peuvent rouler là où il n’y a pas de routes, transformés moitié en dispensaires pour aller soigner les femmes et les fillettes dans les régions les plus isolées, moitié en cyber-centres pour apprendre aux populations qu’ailleurs on a arrêté l’excision, et que les femmes peuvent être réparées, par exemple sur le navire-hôpital Africa-Mercy. Pour ce programme j’ai lancé à la société civile un appel à dons à hauteur d’1 million d’euros pour pouvoir travailler dans dix pays sur la plateforme américaine gofundme.com/f/daniellemerian.

Dans notre pays pilote, le Sénégal, les autorités nous ont bien reçus, d’autant que mon chef de projet Jean-Michel Wanzo parle en wolof aux ministres, ce qui n’est pas habituel. Le Ministre des Finances a dédouané notre bus aux frais de l’État, le Ministre de l’Intérieur l’a fait cuisiner par les Renseignements généraux sur le pourquoi de notre implantation, le Ministre de la Santé dont un service veut faire des tournées avec nous.

Nous avons tourné beaucoup de vidéos notamment avec l’association des Ex-exciseuses qui disent pourquoi elles ont arrêté de mutiler et de tuer, et aussi qu’elles ont appris que le Coran ne commande pas l’excision. Avec le Covid nous avons dû attendre deux ans pour voir reprendre la circulation maritime entre le Canada et le Sénégal. Notre premier bus est enfin arrivé et est transformé mais je n’ai plus de trésorerie pour une tournée nationale, je ne peux plus payer l’essence, le chauffeur, l’infirmière et tous les locaux qui monteront dans le bus. Pour notre premier programme de trois ans au Sénégal, il me manque 200 000 € et je me tourne maintenant vers les entreprises pour qu’elles m’aident dans ce combat humanitaire urgent : une fillette est mutilée toutes les 50 secondes d’après l’UNICEF. Il est temps que ce crime soit requalifié en crime contre l’humanité.

En 2015 j’ai entrepris un nouveau métier une loi instituant pour les associations de défense des DH le tiers accompagnant aux entretiens à l’OFPRA. Nous sommes actuellement 7 déléguées de SOS Africaines en danger : 3 avocates en exercice, 1 avocate honoraire, 1 magistrate à la retraite, 1 psycho-sociologue et 1 psychologue. Nous préparons nos adhérentes à l’entretien. Nous leur expliquons la bonne attitude car jadis on leur a appris à baisser la tête et à ne jamais regarder dans les yeux. Combien ont été déboutées comme menteuses à ne pas regarder en face et à ne pas parler haut et fort. Nous les aidons à rapporter la preuve de leur maltraitance en faisant faire des certificats médicaux qui détaillent leurs cicatrices. Ces femmes sont torturées par leur mari quand elles tentent d’échapper au viol et les bourreaux utilisent tout ce qu’ils ont sous la main : l’eau bouillante, le fer à repasser, la cigarette, la machette, le fouet, le couteau, tout y passe. À la fin de l’entretien nous avons la parole pour insister sur les raisons de leurs craintes en cas de retour au pays, seule question qui peut valoir le statut.

Leur crainte c’est la mort de la main du père ou de la main du mari pour avoir « déshonoré » la famille en s’élevant contre les traditions. Elles seront étouffées la nuit entre deux oreillers, enterrées le lendemain, personne ne sera dupe mais ni vu ni connu, l’impunité est totale. J’ai une immense admiration pour ces femmes qui ont eu l’audace de s’élever contre les traditions ancestrales. Ce sont des héroïnes et je suis heureuse de les aider.

Pour conclure, ces engagements importants prennent beaucoup de mon temps, mais ils ont donné du sens à ma vie, je sais pourquoi je me lève le matin.
Partout je me suis fait des amis de haute qualité qui m’inspirent.
J’aurai travaillé à mon niveau à rendre le monde un peu moins injuste.
Je le fais au nom de Jésus-Christ,
car je considère sa parole « aimez-vous les uns les autres »
comme la plus révolutionnaire de tous les temps,
et la seule solution pour la communauté des hommes.

Danielle Mérian

 


 

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